Sommaire
- PANORAMA GENERAL DU BRESIL EN 2023
5ème plus vaste pays du monde avec 8.500.000 km2 ; 6ème pays le plus peuplé au monde avec 208.000.000 d’habitants ; première économie d’Amérique Latine ; 12 ème PIB du monde en 2022.
Au-delà de ces chiffres qui présentent par eux-mêmes le potentiel du Brésil, il faut ajouter sa stabilité économique et politique. Ses richesses naturelles sont incomparables, son potentiel humain gigantesque.
Le Brésil est un pays très jeune qui avance très vite. Sortie d’une colonie exploitée, esclavagiste, rurale, des avancées considérables ont été réalisées en moins de deux siècles qui placent le Brésil au rang des grandes puissances démocratiques. Certains, en Europe et ailleurs, ont vu dans l’élection de Bolsonaro à la présidence de la République, en 2017, une fragilité de la démocratie brésilienne. C’est l’inverse. Non seulement ce même Bolsonaro n’a pas réussi à se faire réélire, mais durant tout son mandat, il a dû affronter une opposition libre et forte, y compris au sein des pouvoirs établis. Peu de pays occidentaux peuvent se targuer d’avoir infligé des amendes à leur Chef d’Etat pour manquement au port du masque durant le COVID !
Le Brésil est un pays de dialogue ou rien ne se fait sans consensus.
Si les quatre premiers siècles du Brésil sont l’histoire d’un monde rural tropical, le Brésil est aujourd’hui une puissance urbaine considérable, avec 17 villes de plus d’un million d’habitants et 50 villes de plus 500.000 hab. Cette urbanisation a explosé en un siècle. Avec une agglomération de plus 22.000.000 hab (12.000.000 dans la ville même) São Paulo est parmi les 10 plus grandes métropoles du monde, Rio de Janeiro n’arrive pas loin derrière avec une agglomération de 12.000.000 hab (7.000.000 intramuros).
L’urbanisation du Brésil s’est opérée à un rythme effréné tout au long du XXème siècle. La ville de São Paulo ne contenait que 20.000 hab en 1850. La ville de Brasilia, qui est sortie du désert dans les années 1950, est la troisième plus grande ville du Brésil aujourd’hui avec 3.000.000 habitants.
La population du Brésil est passée de 119.000.000 en 1980, à 170.000.000 en 2000 et à 208.000.000 en 2022 (IBGE). Elle devrait se stabiliser vers 2030 à 210.000.000 hab selon les
projections de l’IBGE. En 1980, les enfants mineurs de 14 ans représentaient 38% de la population et les plus de 65 ans seulement 4%. En 2020, la population jusqu’à 14 ans est tombée à 20% et celle de plus 65 ans, montée à 10%. La population senior arrive en masse ! Il faut s’adapter avec notamment une incitation à l’immigration et le développement de services aux seniors.
Si le Brésil porte de gros problèmes sociaux, liés à son histoire esclavagiste, il avance vite et fermement. Son économie et ses institutions politiques sont stables. Des réformes importantes ont été engagées au cours des 25 dernières années, y compris sous les mandats controversés de Bolsonaro et Dilma Roussef.
Il y a de nombreux secteurs porteurs qui devraient attirer de nombreux investissements, sachant que les investisseurs étrangers sont traditionnellement bienvenus et bien traités.
2. STABILITE ECONOMIQUE
2.1. Taux de change flottant
Avec le taux de change flottant, la valeur de la monnaie brésilienne, le REAL, est fixée par l’offre et la demande.
Le REAL n’est pas une monnaie convertible à l’égal du dollar, de l’Euro, de la livre sterling, du Yen, du franc suisse. Cette monnaie n’est pas utilisée comme réserve ou investissement. Les acteurs économiques ne cherchent à se procurer du real que pour leurs dépenses au Brésil. Ce qui le rend plus fragile et instable.
Toutefois, après 25 ans de taux de change flottant et plusieurs crises financières mondiales, dont 2008, le REAL s’est toujours bien comporté. S’il fallait 2 reals pour 1 dollar en 1999, aujourd’hui, 25 ans après, il faut 5 reals pour un dollar. La monnaie s’est certes dépréciée, mais à un rythme tout à fait raisonnable en 25 ans de taux de change flottant.
Par ailleurs, le Brésil compte des réserves de plus de 340 milliards de dollars en mars 2023, ce qui lui permet d’amortir tout changement brusque du marché des changes.
2.2. Objectif d’inflation
Un taux d’inflation toléré est fixé chaque année par le Conseil Monétaire National CNM, composé du ministre de l’économie, du ministre du budget et du président de la Banque Centrale.
En 2022 le taux d’inflation accepté était fixé de 3,5%. En 2023 il est fixé à 3,25%.
Sur la base de ce taux d’inflation toléré, la Banque Centrale fixe le taux directeur, appelé taux SELIC. Il est actuellement de 12,75% par an.
2.3. Objectif d’équilibre budgétaire
Cet objectif est fixé par le Congrès dans la loi budgétaire annuelle. Il s’agit de limiter les dépenses publiques, afin de dégager un excédent primaire. Cet objectif permet de garantir le paiement de la dette publique.
C’est principalement le non-respect de cet objectif par l’équipe économique de Dilma Roussef, et les déséquilibres budgétaires qui ont suivi, qui ont conduit à son impeachment.
2.4. Les investissements étrangers au Brésil
Les brésiliens ont toujours accordé beaucoup d’attention au capital étranger, qui est traité avec beaucoup de respect, car il est essentiel pour l’équilibre et la croissance du Brésil sur plusieurs aspects.
2.4.1. – Tout d’abord, les investissements étrangers sont essentiels pour l’équilibre de la balance des paiements, c’est-à-dire l’ensemble des comptes externes, incluant la balance commerciale, la balance des services, les transferts unilatéraux et les mouvements de capitaux.
Le Brésil est traditionnellement excédentaire en ce qui concerne la balance commerciale. 2022 ne fait pas exception avec un solde positif de 62,3 milliards de USD. Mais il est aussi traditionnellement négatif en ce qui concerne la balance des services, qui inclut notamment les transactions relatives au tourisme, au transport, aux droits de propriété intellectuelle et industrielle, aux services culturels. En 2022 les services ont présenté un solde négatif de 40 milliards de USD. A ce déficit de la balance des services il faut aussi ajouter le déficit, également traditionnel, de la balance des revenus, c’est-à-dire des transferts de dividendes, bénéfices, salaire, intérêts. Ce déficit a atteint 63,9 milliards de USD en 2022.
Ainsi, en ce qui concerne les transactions courantes (commerce extérieur + services + revenus primaires) le Brésil est déficitaire de 41,6 milliards de USD en 2022. Ce déficit est généralement compensé par le compte de capital, c’est-à-dire les investissements étrangers. Ceux-ci ont atteint un montant de 91 milliards de USD en 2022.
Les réserves de devises étrangères au Brésil sont de 325 milliards de USD au 31.12.2022.
2.4.2 – La seconde raison pour laquelle les brésiliens veulent attirer les capitaux étrangers tient à la nécessité de rattraper le retard technologique. Il faut attirer le savoir faire des pays plus industrialisés.
2.4.3 – Les conditions pour investir au Brésil sont donc facilitées par les brésiliens qui confèrent un régime juridique identique entre la capital national et le capital étranger, sous réserve de quelques secteurs stratégiques très peu nombreux.
Il n’est pas nécessaire d’avoir un associé brésilien pour créer une entreprise au Brésil. Il n’y a pas d’autorisation préalable de la Banque Centrale du Brésil ou des autorités
brésiliennes pour investir au Brésil ; il n’y aucune contrainte pour transférer les dividendes à l’étranger ou liquider son entreprise brésilienne sachant, par ailleurs qu’il n’y a pas d’impôt sur les dividendes au Brésil (pas encore) ni de taxe sur la liquidation d’une entreprise.
3. STABILITE POLITIQUE
Avec la fin du régime militaire en 1985, les brésiliens se sont dotés d’institutions politiques à l’image des Etats Unis d’Amériques, c’est-à-dire un système présidentiel, avec les trois pouvoirs (exécutif ; législatif et judiciaire) rigoureusement séparés, dans une structure fédérale et décentralisée.
A la différence des Etats Unis toutefois, la constitution n’est pas libérale et prévoit un grand nombre de règles sociales et économiques que les trois Pouvoirs devront respecter.
Le fédéralisme brésilien n’est pas aussi abouti que le fédéralisme des Etats Unis. Il se rapproche de la décentralisation française en laissant aux états et aux communes le pouvoir de décider de leurs affaires propres, mais en obéissant toujours à la loi fédérale.
Le détenteur du pouvoir local n’est pas un représentant de l’Etat central, comme le préfet en France, mais un gouverneur (Etat) ou un maire (commune) élu au suffrage universel direct avec un pouvoir de police.
3.1. La prédominance du Pouvoir Judiciaire
La Constitution Fédérale de 1988, norme suprême du Brésil, n’a pas seulement mis en place un système présidentiel comme aux Etats Unis, il a également instauré une hiérarchie entre les trois pouvoirs puisque c’est l’autorité judiciaire, avec la Cour Suprême (Supreme Tribunal Federal) qui, à terme, tranche et décide des conflits politiques. Il contrôle étroitement les activités du Président de la République. Les nombreuses tensions politiques, au cours du mandat Bolsonaro, ont souvent consisté en des bras de fer entre le Président de la République et la Cour Suprême.
Ce contrôle étroit du gouvernement par la Cour Suprême, ainsi que la judiciarisation de la société brésilienne, sont probablement une réaction aux années de gouvernement militaire. Il fallait freiner l’exécutif et stimuler le droit à la contestation, sous la protection des institutions judiciaires.
4. LES REFORMES IMPORTANTES RECENTES
Le Brésil se modernise très vite, tant technologiquement que juridiquement.
Technologiquement, le Brésil est très en pointe sur les questions bancaires et financières, offrant des systèmes de paiement encore inconnus en Europe, tels que le PIX, un système de transfert bancaire instantané, tellement simple à utiliser que l’on paye son taxi ainsi et même le saltimbanque qui, dans la rue, informe son code PIX à tout potentiel généreux passant.
Des fintechs très innovantes se multiplient au Brésil. Elles viennent offrir un accès bancaire aux innombrables brésiliens qui en sont encore exclus ; elles offrent des solutions de crédits alternatives face aux taux d’intérêts toujours très élevés ; des méthodes d’organisation financière ;
Une technologie de pointe se rencontre dans beaucoup d’autres secteurs. L’administration publique elle-même est toujours plus et mieux digitalisée. Les déclarations d’impôt se font online depuis plus de 20 ans. Les procédures judiciaires se réalisent de plus en plus en visio conférence. Les signatures deviennent presque exclusivement digitales. Toute la procédure d’acquisition d’un bien immobilier peut se réaliser en restant à l’étranger.
Au niveau juridique, le Brésil se modernise aussi très vite en promulguant les réformes qui le rapprochent des pays membres de l’OCDE.
4.1. L’arbitrage commercial
Avec le retour de la démocratie en 1988, le Pouvoir Judiciaire est devenu le contrepied du régime militaire. Le législateur constitutionnel a fait du juge le gardien suprême des Institutions et des droits des citoyens.
A partir de là, dès le début des années 1990, le citoyen brésilien, le travailleur, le consommateur, l’homme politique saisit le juge à la moindre contrariété. Le système judiciaire s’encombre un peu et on comprend dès le milieu des années 90 qu’il faut favoriser des modes alternatifs de résolution des conflits. La loi arbitrage de 1996 est adoptée. Depuis sa mise en vigueur elle fait beaucoup de succès parmi les acteurs économiques et est très respectée par les juges judiciaires qui ne remettent pas en cause les décisions arbitrales.
Entre 2020 et 2021, ce sont environ 120 milliards de Reals (25 milliards de USD) en procédure d’arbitrage.
Le centre d’arbitrage le plus prestigieux au Brésil est celui de la Chambre de Commerce Brésil Canada. Mais il y en a d’autres tout aussi sérieux, dont la fameuse Chambre de Commerce International-CCI de Paris qui a installé une antenne à São Paulo.
4.2. La réforme du travail
C’est une loi de 2017 qui vient réformer dans son essence le droit du travail au Brésil, créé dans les années 1930 par le Président Getulio Vargas. Le droit mis en place par le président Getúlio Vargas dans les années 1930 vient protéger les salariés d’un Brésil en pleine urbanisation et en début d’industrialisation. Ces lois sont rassemblées dans le Code des Lois du Travail – CLT sous la coupe d’une juridiction du travail créée également par Getúlio Vargas et dont l’interventionnisme dans les relations employeur-employé évoque une société plus patriarcale que libérale.
L’interventionnisme de la juridiction du travail pour protéger les salariés a conduit à une judiciarisation très excessive, incitant la presque totalité des salariés à rechercher auprès du juge quelque avantage.
La réforme de 2017 vient rééquilibrer la relation employeur-employé, valoriser les accords employeurs-employés au détriment de l’interventionnisme judiciaire et flexibiliser les conditions du salariat, offrant plus de souplesses aux relations d’emploi.
4.3. Loi de liberté économique
La loi sur les libertés économiques, de 2019, réduit l’intervention des pouvoirs publics sur les entreprises en (i) supprimant des autorisations préalables ; (ii) supprimant des formalités telles que les signatures certifiées conformes ; (iii) en réduisant les contraintes légales telles que l’obligation d’avoir un capital minimum ou l’obligation d’avoir un second associé ; (iv) en réduisant l’interventionnisme judiciaire, notamment dans l’interprétation des contrats commerciaux.
Pour ouvrir une entreprise au Brésil il est d’abord nécessaire soit d’avoir un visa de résidence, soit de pouvoir nommer un mandataire, personne physique, résident au Brésil.
D’une façon générale il n’y a pas de capital minimum pour créer une entreprise et il n’est pas nécessaire d’avoir un associé. La création d’une société unipersonnelle de droit brésilien est possible.
Quasiment toutes les opérations administratives sont réalisées de façon digitale. Il est possible aujourd’hui de créer une entreprise ou d’acquérir un bien immobilier sans se déplacer au Brésil.
Par ailleurs, les administrations publiques fonctionnent sur la base de règlementations fixant des règles objectives, ne permettant pas à l’administration de décider de façon discrétionnaire. Les visas de résidence, par exemple, sont octroyés presque automatiquement, dès lors que les documents demandés, clairement listés et déterminés dans la règlementation, sont fournis. L’administration brésilienne est étroitement contrôlée par le Pouvoir Judiciaire.
Toutefois, lorsque les questions sont plus complexes, telles que la fiscalité des produits manufacturés ou les autorisations liées au respect de l’environnement, alors la procédure peut être moins fluide.
4.4. La mise en place de contraintes de compliance
4.4.1 – Loi anticorruption (2013)
Toute activité au Brésil est d’abord une question de personne. La subjectivité est largement privilégiée sur l’objectivité. Le parrainage, les échanges de faveur, le népotisme ont façonné la société brésilienne. La corruption, au sens occidental du terme, est une conséquence logique de ce subjectivisme.
Mais si les brésiliens vivent beaucoup d’échange de faveur, ils luttent aussi beaucoup contre la corruption. L’affaire « Lava Jato » (corruption à travers la Petrobras révélée en 2014) est une bonne illustration. Le vote en faveur de Bolsonaro a aussi été une réaction contre la corruption.
En 2013, les brésiliens promulguent une loi anticorruption, suivant les modèles occidentaux, tel que la Loi Sapin en France. En accord avec cette loi, si une entreprise bénéficie d’un acte de corruption qu’elle n’a pas mandaté et dont elle ne savait même pas l’existence. elle peut voir sa responsabilité pénale engagée (responsabilité pénale objective). L’amende peut aller jusqu’à 20% du chiffre d’affaires annuel.
4.4.2 – Loi Générale sur la Protection des Données Personnelles – LGPD
En 2018, les brésiliens promulguent leur loi sur la protection des données sur le modèle du RGPD européen. Des pénalités administratives sévères sont prévues, mais doivent attendre
la mise en place de l’Agence Nationale de Protection des Données – ANPD et l’émission des règlements d’application pour pouvoir s’appliquer.
L’ANPD, d’abord rattachée à la Présidence de la République, devient indépendante en 2022 et émet les règlements nécessaires à l’application de la loi.
Depuis début 2023, des sanctions administratives peuvent s’appliquer. Parmi ces sanctions administratives, une amende maximale de 50.000.000,00R$ par infraction (environ 10.000.000,00 USD).
4.5. La loi immigration de 2017
Le Brésil a modifié profondément les conditions d’octroi de visas avec sa nouvelle loi d’immigration, promulguée le 24 mai 2017. Cette loi remplace une loi de 1981, avec une philosophie très différente. Jusqu’en 2017, les principes qui guidaient la réglementation sur l’immigration étaient ceux de la sécurité nationale. La philosophie de la loi de 2017 est celle du droit humanitaire. Ainsi, depuis 2017, la règlementation qui est émise facilite plutôt l’obtention de visa. Par exemple, il est possible aujourd’hui d’obtenir un visa de résidence en étant déjà présent au Brésil. Avant il fallait récupérer le visa au Consulat du Brésil de son pays d’origine.
De plus, de nouvelles conditions d’obtention de visa sont créées. Par exemple le visa nomade digital, créé le 24.01.2022.
Avec le vieillissement très rapide de la population brésilienne, qui est relativement peu nombreuse au regard de l’étendue de son territoire, il est très probable que le Brésil facilite l’octroi de visa de résidence au cours des prochaines années.
4.6. La base légale des startups : Loi complémentaire 182/2021
Il s’agit de créer un environnement juridique, règlementaire, administratif et commercial spécifique aux entreprises innovatrices. Principales mesures :
(i) Rendre les investisseurs (« angel investors ») totalement irresponsables des passifs sociaux et fiscaux de l’entreprise ;
(ii) Une règlementation spécifique à l’innovation (« sandbox regulation ») ;
(iii) Faciliter l’accès aux marchés publics ;
(iv) Simplification et réduction fiscale
4.7. La réforme fiscale
La fiscalité brésilienne est traditionnellement favorable au capital. Il n’y a pas d’impôt sur les dividendes par exemple. Mais elle est trop complexe quand il s’agit du traitement fiscal indirect sur les produits manufacturés.
Plutôt que d’avoir une TVA, uniforme, qui s’applique sur l’ensemble de la production de marchandises ou de services, les brésiliens ont plusieurs impôts, certains spécifiques aux services, d’autres spécifiques à la production et au commerce de marchandises. Les impôts sont par ailleurs de la compétence de collectivités territoriales différentes en fonction de l’impôt en question (Fédération, états ou communes). Tout cela rend la gestion de l’impôt assez complexe pour les entreprises, principalement commerciales et industrielles.
Par ailleurs, la fiscalité indirecte est de telle sorte que plus le bien produit a de la valeur ajoutée et plus elle est imposée. Renault do Brasil, à Curitiba, a plutôt intérêt à acheter de l’acier produit en Chine avec du minerai de fer brésilien que de l’acier produit au Brésil avec son propre minerai.
Ainsi, une réforme fiscale est discutée depuis un certain temps par les gouvernements successifs, pour mettre en place une TVA sur le modèle européen ; pour favoriser l’investissement ; pour réduire le coûts des employés et pour favoriser la transparence (informer les citoyens de la charge de l’impôts sur chaque produit).
Cette réforme est en cours de discussion. Son adoption est prévue pour cette année 2023.
5. QUELQUES SECTEURS PORTEURS
5.1. La technologie et le e-business
5.1.1 – e-commerce
Le marché du e-commerce au Brésil a connu une croissance importante ces dernières années. Selon l’Association Brésilienne du Commerce Electronique (ABComm), le secteur a généré un chiffre d’affaires d’environ 21 milliards de USD en 2020, ce qui représentait déjà
une augmentation d’environ 37% par rapport à l’année précédente (2019). En 2022, le e commerce a représenté un chiffre d’affaires de 34 milliards de USD, soit une augmentation de 61% par rapport à 2020. ABComm prévoit 37 milliards de USD de e-commerce au Brésil en 2023.
Plusieurs raisons ont permis cette croissance rapide, notamment les deux années de Covid-19 qui ont stimulé les acquisitions online et favorisé la confiance des consommateurs. A mesure que le e-commerce est devenu plus courant et que les entreprises ont pris des mesures pour garantir la sécurité des transactions en ligne, la confiance des consommateurs brésiliens dans les achats en ligne a également augmenté. Cela est dû en partie à la mise en place de systèmes de paiement sécurisés, de certificats de sécurité sur les sites web et d’avis d’autres consommateurs.
Seulement 10 des principaux sites de vente online détiennent plus de 50% du e commerce au Brésil. Le leader est Mercado Livre avec 14,8% de part de marché, puis vient Amazon Brasil avec 7,9%.
5.1.2 – Fintech
Le système bancaire brésilien est très solide et très rentable, mais il est concentré, dominé par cinq grandes banques : Itau ; Bradesco ; Santander ; Banco do Brasil et Caixa Econômica Federal.
Pour faire face à la bureaucratie et aux coûts élevés des grandes banques traditionnelles, de nombreuses fintechs sont apparues ces dernières années, offrant un accès bancaire à une large population traditionnellement exclue. Les fintechs jouent un rôle important dans l’inclusion financière au Brésil. Elles ont permis à des millions de personnes d’accéder à des services financiers essentiels tels que des comptes bancaires, des paiements numériques, des prêts et des investissements.
Par ailleurs, le Brésil a une tradition avant-gardiste en matière de finance, liée aux années 80 de gestion de l’inflation, mais aussi aux attaques de hackers, parmi les plus sophistiquées du monde.
Le gouvernement brésilien a adopté des mesures pour soutenir le développement des fintechs. Des réglementations plus souples ont été mises en place pour encourager l’innovation et faciliter l’entrée des fintechs sur le marché. Par exemple, la création du “Sandbox réglementaire” permet aux fintechs de tester leurs modèles d’affaires de manière contrôlée.
En 2022, les fintechs brésiliennes ont reçu 2 milliards de USD en investissement.
Parmi les fintechs les plus importantes au Brésil il y a : (i) Nubank, une banque digitale ; (ii) Giabolso, applicatif de contrôle des finances personnelles (66 millions d’utilisateurs enregistrés en février 2022) ; (iii) Banco Inter, une banque digitale; (iv) Bidu, courtier d’assurance online ; (v) Quinto Andar, permet les paiements des transactions immobilières.
5.2. La construction civile
Ce secteur a toujours été difficile d’accès aux constructeurs étrangers. La tradition brésilienne du parrainage et d’échange de faveur a permis aux constructeurs brésiliens de préserver leur marché.
Ce panorama a changé en profondeur avec l’opération « lava jato » déclenchée en 2014. Des juges ont fait apparaitre un système de corruption généralisé et de très grande ampleur à travers de la grande entreprise brésilienne d’exploration/exploitation pétrolière, la PETROBRAS. La PETROBRAS est une société d’économie mixte, cotée en bourse mais avec une participation de l’Etat fédéral, dont l’activité économique représentait plus de 12% du PIB du Brésil en 2014.
L’opération « lava jato » a fait apparaitre que tous les contrats conclus avec la PETROBRAS obligeait le fournisseur à payer une « prime » supplémentaire, sans aucun motif économique, de l’ordre de 7% du contrat. Cette prime était redistribuée entre cadres supérieurs de la PETROBRAS et parrains politiques. Les grands groupes brésiliens du BTP avaient les contrats et payaient la « prime » pour cela.
L’opération judiciaire « lava jato », qui s’est étendue de 2014 à 2021, a littéralement mis à terre tous les grands groupes de BTP du Brésil. La crise économique de 2016 à 2019 les a achevés.
En 2015, ces groupes facturaient environ 21 milliards de USD, en 2019 ils ne facturaient plus que 2 milliards de USD, rétraction de 89%. Les 12 principales entreprises impliquées ont perdu 115 milliards de USD entre 2014 et 2020.
Aujourd’hui, seulement 10 entreprises brésiliennes de BTP facturent plus de 200.000.000,00USD par an.
(i) Avec la reprise économique en 2023 ; (ii) la nouvelle culture contractuelle mise en place avec la loi anticorruption de 2013 et l’opération « lava jato » et (iii) la mise à genoux des constructeurs brésiliens traditionnels, le BTP du Brésil est un secteur à conquérir !
5.3. L’assainissement
En 2022, 50% des brésiliens n’ont pas accès au traitement des égouts ; 16% (35 millions de personnes) n’ont pas accès à l’eau traitée ; 40% des eaux traitées se perdent, à cause des défaillances du réseau (données du Système National d’Information sur l’Assainissement – SNIS).
Seulement 6% des communes ont leur système d’assainissement traité par des entreprises privées qui répondent pourtant à 20% du total des investissements du secteur. Les 94% des communes restantes sont aux mains d’entreprises publiques (compagnies étatiques ou municipales), avec l’aide du Gouvernement Fédéral.
Une nouvelle loi promulguée en 2020 est venue clarifier les responsabilités des collectivités locales, clarification qui devrait réduire les conflits entre collectivités et relancer les projets d’investissement.
Cette nouvelle loi supprime le monopole des entreprises publiques, qui doivent suivre les mêmes conditions que les entreprises privées pour obtenir les concessions.
Avec la grande crise provoquée par le COVID 19, alors que le Brésil sortait à peine de 4 ans de récession, et la conscience accrue du déficit de santé publique liée aux eaux impropres et non traitées, cette grande réforme de l’assainissement enthousiaste l’ensemble des acteurs économiques brésiliens qui y voient un grand facteur de relance de l’économie.
La loi fixe des objectifs : universalité du traitement des eaux et des égouts au 31.12.2033. Les investissements nécessaires pour y parvenir sont évalués à plus de 110 milliards de USD.
5.4. Agrobusiness
Il y cinq ans, le plus grand réseau de communication du Brésil, le réseau privé Rede Globo a lancé une campagne publicitaire tournée vers le monde agricole avec le slogan « Agro é tech, agro é pop, agro é tudo » (« L’agro est technologique ; l’agro est pop ; l’agro c’est tout »), toujours à l’antenne en 2023. Il s’agit en fait de rapprocher le monde citadin du monde
rural, en rappelant que le monde agricole du Brésil est l’un des principaux secteurs économiques du pays.
En 2020, les biens et services générés par l’agrobusiness ont représenté environ 400 milliards de USD, soit 27% du PIB du Brésil, dont l’agriculture 70% et l’élevage 30%. Le soja domine, suivi de la viande bovine, du maïs, du lait, du poulet, de la canne à sucre. La Fondation Getúlio Vargas-FGV-Ibre pevoit une croissance de 8% du secteur en 2023, la banque ITAU, 10%.
Le secteur représente 50% des exportations du Brésil. En 2022, les exportations en produit agricoles se sont élevées à 159 milliards de USD, soit une augmentation de 32% par rapport à l’année antérieure. Les importations ont été limitées à 17,24 Milliards de USS, soit un solde commercial de 142 milliards de USD.
Les exploitations agricoles brésiliennes sont de gigantesques territoires adaptés à la production extensive, super-équipés, et au rendement souvent supérieur aux grandes exploitations nord-américaines, avec plusieurs récoltes par an.
Le potentiel de croissance est encore énorme avec environ 100 millions d’hectares disponibles, sans toucher à l’Amazonie. Le Brésil dispose de la plus grande réserve de terres arables de la planète. Le Brésil devrait devenir le grenier du monde !
Le succès de l’agriculture du Brésil tient aussi à ses réserves d’eau, correspondant à 18% des réserves mondiales.
Les exploitations sont très modernes et le Brésil est le territoire des agrotech. En 2022, 200 millions de USD ont été investis en startup d’agro.
5.5. Les richesses minérales et terres rares
Le Brésil est riche de l’exubérance de sa nature, de ses ressources naturelles, avec notamment 18% des réserves mondiales en eau, et de ses richesses minérales.
Les années 2000 ont vu grandir ses fleurons de l’industrie minérale avec ses groupes industriels gigantesques PETROBRAS, pour l’exploration et la production pétrolière, et la VALE pour l’extraction minière.
1150 milliards de tonnes de minerais produites en 2021, pour 68 milliards de USD de chiffre d’affaires, dont 10 milliards de USD de solde des exportations.
Quant au pétrole, le Brésil est parmi les 10 pays plus grands producteurs et détient une réserve de 12 milliards de barils.
En ce qui concerne les « terres rares », le Brésil détient la seconde réserve mondiale, avec 22 millions de tonnes de réserve estimée, mais produit encore très peu, seulement 500 tonnes en 2022.
5.6. L’énergie
« Le Brésil a déjà réalisé sa transition électrique » (R. Klein, CEO Voltalia). Avec 78% de sa matrice énergétique issue d’énergie renouvelable, le Brésil est le troisième pays du monde en production par énergie renouvelable, derrière la Norvège et la Nouvelle Zélande. C’est également le troisième pays en capacité installée, derrière la Chine et les Etats Unis, avec 150 GW.
Capacité installée :
(i) Hydroélectrique : 110 GW ;
(ii) Thermique : 46GW ;
(iii) Eolien : 25 GW
(iv) Solaire : 29GW
Pays très ensoleillé et avec des vents constants dans le Nordeste surtout, le Brésil offre des conditions idéales pour le développement de l’éolien et du solaire, correspondant déjà à 54 GW de capacité installée.
Le Brésil se positionne au tout premier plan pour la production d’hydrogène vert, pour devenir vers 2030 l’un des pays les plus compétitifs du monde. En 2030, l’Amérique Latine pourrait contribuer à hauteur de plus de 25% des exportations mondiales d’hydrogène vert. (source : Voltalia)
5.7. Les services aux seniors ;
Avec une population jeune pendant longtemps, le Brésil n’a jamais vraiment porté son attention vers les besoins des personnes âgées. Celles-ci sont traditionnellement prises en charge directement par leur famille.
Mais le contexte change à un rythme effréné. La population de plus de 65 ans atteint déjà aujourd’hui plus de 10% de la population totale, soit 20.000.000 de personnes. Selon
l’Institut Brésilien de Géographie et Statistique-IBGE, la population de plus de 65 ans devrait correspondre à 15% en 2034 et plus de 20% en 2046.
Un marché gigantesque de services aux seniors s’ouvre donc. Des grands groupes internationaux sont arrivés récemment pour investir massivement, comme Orpea ou Korian.
5.8. Les ressources humaines et le marché de l’emploi
Le Brésil compte environ 43.000.000 d’employés déclarés en décembre 2022. 80% des entreprises opèrent avec du travail temporaire, sous-traité à des entreprises spécialisées. Les entreprises engagent en moyenne 19% de leur budget en travail temporaire (source CNI). Le travail temporaire continue de croitre à un rythme accéléré à plus de 20% tous les ans par rapport à l’année antérieure. Environ 2.400.000 emplois temporaires ont été créés en 2022 (2.000.000 en 2020). 740.000 emplois temporaires ont été créés au premier trimestre 2023 (source : Asserttem). En 2023 le marché du travail devrait croitre grâce au travail temporaire.
Le droit du travail du Brésil est l’objet d’un code du travail dont les principes ont été fixés dans les années 1930 sous la présidence de Getúlio Vargas, à une époque d’urbanisation et industrialisation du Brésil. Les principes sont alors ceux de la stabilité et d’une responsabilisation élargie de l’employeur sur la vie de ses employés.
Au XXI ème siècle, le travail a changé de nature. Il ne s’agit plus de faire carrière dans un même groupe industriel organisé en silo et très hiérarchisé. Le travailleur est devenu très mobile et autonome.
Le Code du Travail du Brésil a fait l’objet d’une réforme importante en 2017 qui a (i) rééquilibré la relation d’emploi, en responsabilisant davantage l’employé et moins l’employeur ; et (ii) en assouplissant les conditions d’emploi avec le travail temporaire et le travail intermittent.
Avant 2017, le travail temporaire n’était possible que pour les activité-moyens de l’entreprise. Il est maintenant permis pour les activité-fins de l’entreprise.
Ainsi, face à la lourdeur de la gestion des employés, face à la propre évolution du travailleur (plus mobile et autonome) et grâce à la nouvelle législation de 2017, les entreprises de travail temporaire se développent à un rythme accéléré.
5.9. La formation professionnelle
Avec une longue histoire faite de maitres et d’esclaves, le travail manuel est traditionnellement dévalorisé au Brésil. La seule éducation reconnue n’a longtemps été que la formation intellectuelle dans les universités européennes, puis américaines. La formation manuelle des techniciens industriels a commencé avec les investisseurs industriels étrangers.
Puis, sous l’impulsion du syndicat des industriels, la CNI, la SENAI (Service National d’apprentissage industriel) a été créé en 1942. La SENAI est aujourd’hui l’un des cinq plus gros complexes d’éducation professionnelle du monde. Outre le SENAI, le « système S » d’apprentissage professionnel comprend le SENAC (formations commerciales), le SENAR (formations rurales) et quelques autres.
Mais moins de 10% des étudiants brésiliens choisissent une formation professionnalisante (ils sont plus de 50% en Union Européenne). Cela tient probablement à cette vieille culture brésilienne esclavagiste qui a longtemps dévalorisé le travail manuel.
Toutefois, les avantages obtenus par ceux qui ont une formation professionnelle, par rapport à ceux qui n’en n’ont pas, sont tels, que la demande pour une telle formation ne fait que croitre.
Par ailleurs, tout au long de leur carrière professionnelle, les brésiliens suivent constamment des formations professionnelles. Ils sont très demandeurs, quel que soit leur niveau, du cadre supérieur à l’employé.
5.10. Les produits cosmétiques
Depuis des décennies, le Brésil est parmi les trois plus importants marchés du monde pour les produits cosmétiques. Ce n’est pas juste une tendance contemporaine superficielle, mais plutôt la manifestation de la nature même des brésiliens, héritée des premiers habitants du pays, les tupi-guarani, d’une propreté légendaire, inculquée aux colons européens d’une crasse toute aussi légendaire.
Les brésiliens sont très attachés à la propreté et, de là, à une apparence belle et hygiénique, sans tâche, sans défaut. Pays des dentistes, des chirurgiens esthétiques et, bien sûr, des produits cosmétiques.
Les produits cosmétiques ont représenté 34 milliards de USD en 2022 et généré 5,6 millions d’emplois (source ABIHPEC).
Cinq entreprises concentrent 48% du marché : Natura & Co ; Boticário ; Unilever ; L’Oréal et Colgate Palmolive.
SOLERE ADVOGADOS ASSOCIADOS
Rio de Janeiro – São Paulo